lundi 19 décembre 2016

Dialogue entre le Moi et le Soi


Il ne faut pas éliminer l'ego mais le dompter,
il est l'échelle qui permet de monter au ciel,
mais s'il devient guide il nous perd,
c'est l'âme qui doit lui indiquer le chemin.
 .
Alexandro Jodorowsky
"L'échelle des anges"
.


Si vous faites disparaître le moi ou l'ego,
 il n'y a plus personne pour vivre l'expérience ni pour la goûter. 

Il n'y a plus d'instance ou d'organe psychique qui permet la présence. 
Or, qu'il s'agisse de présence à soi, aux autres ou à l'univers environnant, 
celle-ci est centrale à l'évolution personnelle. 
Si l'on fait disparaître le moi, la conscience de soi qui permet 
la présence et la sensation de vivre une expérience disparaît avec lui, 
comme lorsque nous dormons et que les frontières du moi se dissolvent.

Alors, que peuvent bien vouloir dire des expressions comme « abolir l'ego » ? 
Pour avoir partagé la scène avec des maîtres spirituels comme Sogyal Rinpoche, 
j'ai cru comprendre qu'à un premier niveau du moins, ceux-ci désignaient par « ego » 
quelque chose qui se rapproche plutôt de l'égocentrisme, 
c'est-à-dire du fait d'avoir mis son ego au centre du monde, 
que de la notion de moi ou d'ego utilisée en psychologie. 

Plus avant, ils définissent cet égocentrisme comme le fait 
de toujours vouloir saisir quelque chose pour en tirer profit. 
Ce mécanisme de saisie est constamment en action 
et il est à mettre en relation étroite avec nos insécurités de base. 
Voilà d'ailleurs pourquoi, dans le domaine spirituel, 
on parle du « lâcher prise ».

En réalité, il ne faut pas confondre ego et égocentrisme. 
L'égocentrisme peut certes voiler le moi et faire en sorte 
que l'expérience vécue soit totalement centrée sur soi. 
Cependant, le moi peut également être l'hôte de sentiments 
aussi nobles et généreux que la compassion. 
Autrement dit, il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. 

Le moi est l'organe qui permet l'expérience subjective, il en est le contenant. 
L'expérience qu'il vit - l'eau du bain - 
peut varier énormément en qualité et en valeur.

Bien entendu, lorsque l'ego accueille une expérience extatique
il est en expansion et il existe d'une façon très ténue. 
Mais, il existe tout de même et, 
à moins d'être en train de vivre une telle expérience de façon inattendue, 
elle a souvent été recherchée et permise 
par nul autre qu'un moi qui s'est rendu disponible à cet état d'ouverture.

La réalisation de soi

Ceci m’amène à parler de la notion du « Soi », 
une autre notion qui porte à confusion. 

Le psychanalyste Carl Gustav Jung a introduit cette notion en psychologie : 
si le moi est le centre du champ de la conscience, 
le Soi est le centre de l’individualité entière 
qui comporte à la fois le champ conscient et l’inconscient.

Ainsi, le conscient serait comme une île qui flotte à la surface de l’inconscient,
 un peu comme la terre flotte dans le système solaire. 
Et le Soi serait comme le soleil qui embrasse tout de ses rayons. 

Jung a appelé « processus d’individuation » le chemin qu’un individu peut emprunter 
pour devenir consciemment lui-même, 
c’est-à-dire pour se réaliser en entreprenant un dialogue avec le soi. 

La réalisation du Soi signifie qu’une personne devient le plus originalement possible 
ce qu’elle est appelée à être de par le développement de ses qualités intrinsèques 
et que, du même coup, elle se ressent comme étant pareille à tout ce qui l’environne. 

On n’est pas loin de la parole bouddhiste qui définit la réalisation par les mots :
 « je suis cela qui est ».
L’originalité de Jung réside dans le fait d’avoir sans cesse pointé du doigt 
que l’identification avec un Soi omniscient et tout puissant 
comportait des dangers importants qui pouvaient entraîner un être 
à la folie ou au délire de grandeur. 

De même que le refus de l’inconscient menait à la névrose. 
Il propose donc plutôt un dialogue entre le moi et le Soi.
.

               À mon avis, le point de vue de Jung représente une sage voie du milieu 
entre le moi que l’on veut casser à tout prix 
et le soi que l’on exècre lorsque l’on veut s’en tenir 
à une voie rationaliste et volontariste.
.
.


6 commentaires:

  1. J'espère que ton moi et ton soi vont être heureux ensemble pendant l'année qui va venir. Tes notes sont très intéressantes et j'espère que tu vas continuer. Amitiés.

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    1. Merci pour tes encouragements, Ariaga...
      Oui, je vais continuer, mais je ne sais pas trop à quel rythme.
      On verra...
      Amitiés et bonne année !
      Je te souhaite une bonne santé et un blog plein d'élan ! :-)

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  2. Ce que je crois être n’est pas ce que je suis vraiment.

    Il ne faut pas confondre la présence matérielle du Moi, qui se manifeste au quotidien, et l’essence spirituelle du Soi, que nous ne percevons que difficilement.
    Or les deux ont besoin l’un de l’autre, et tout notre travail d’éveil spirituel consiste à optimiser les rapports entre les deux : celui qui fait et agit et celui qui est de toute éternité.

    Le Soi a besoin du Moi pour réaliser des expériences dans le monde d’ici-bas ; sans lui, ni perceptions, ni sensations, ni émotions et pas d’intelligence, cette faculté d’agencer des rapports et de trouver des solutions.
    Le Moi est le bras armé du Soi qui serait paralysé et réduit à l’immobilité sans son instrument de connaissance du monde de la dualité, de ses lois et de ses épreuves.
    Mais s’il n’est plus irrigué par le Soi, le Moi devient un corps sans tête, ou une tête sans âme, bref un robot.

    Plus facile à dire qu’à vivre, mais bon à savoir et à en être conscient.
    Mais en attendant, meilleurs vœux pour 2017 à toi et à tous tes lecteurs.
    Amicalement.

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    1. Je suis tout à fait d'accord avec toi, Ophoemeon !

      Merci de tes bons voeux...anticipés, je vais aller faire un tour sur ton blog, avant de te retourner la pareille... :-)

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  3. Je ne me doutais pas, en postant cet article, que Guy Corneau, deux semaines plus tard, allait nous quitter...
    J'ai été très triste en apprenant cette nouvelle.

    Merci à lui pour tout ce qu'il nous a donné !

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  4. Merci pour ce texte qui replace ces notions dans leur juste définition, particulièrement la notion d'égo, employée à toutes les sauces.

    J'ai terminé 2016 et commencé 2017 en beauté, en "tombant" en amour!

    Je te souhaite une heureuse année 2017, remplie de découvertes et de partages. Merci pour ta contribution à notre mieux-être!

    Michelle
    xxx

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