jeudi 20 avril 2017

Conditionnement collectif


 
Grâce au contrôle des pensées, à la terreur constamment martelée
pour maintenir l’individu dans un état de soumission voulu,
nous sommes aujourd’hui entrés dans la plus parfaite des dictatures,
une dictature qui aurait les apparences de la démocratie,
une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader,
dont ils ne songeraient même pas à renverser les tyrans.

Système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement,
les esclaves auraient l’amour de leur servitude.
.
Aldous Huxley
.



 
Pour étouffer par avance toute révolte, 
il ne faut pas s’y prendre de manière violente. 
Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. 
Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant 
que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.

L’idéal serait de formater les individus dès la naissance 
en limitant leurs aptitudes biologiques innées. 
Ensuite, on poursuivrait le conditionnement 
en réduisant de manière drastique l’éducation, 
pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. 
Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité 
et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, 
moins il peut se révolter.

Il faut faire en sorte que l’accès au savoir 
devienne de plus en plus difficile et élitiste. 
Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, 
que l’information destinée au grand public 
soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.

Surtout pas de philosophie. 
Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : 
on diffusera massivement, via la télévision, 
des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou  l’instinctif.
On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. 
Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, 
d’empêcher l’esprit de penser. 
On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. 
Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.

En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, 
de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, 
d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; 
de sorte que l’euphorie de la publicité devienne 
le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. 
Le conditionnement produira 
ainsi de lui-même une telle intégration, 
que la seule peur – qu’il faudra entretenir – 
sera celle d’être exclu du système 
et donc de ne plus pouvoir accéder 
aux conditions nécessaires au bonheur.

L’homme de masse, ainsi produit, 
doit être traité comme ce qu’il est : un veau
et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. 
Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, 
ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu.

Toute doctrine mettant en cause le système 
doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste 
et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. 
On observe cependant, 
qu’il est très facile de corrompre un individu subversif : 
il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir.
.
 
Serge Carfantan
citant Günther Anders
"L’Obsolescence de l’homme", 1956
.
 
 
 
 
 
 


3 commentaires:

  1. Heureusement que ça ne se passe pas comme ça chez nous (hum...)

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    1. Non...
      Rien à voir en effet...
      C'est de la pure fiction ! ;-)

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    2. On est trop malin pour se faire avoir :)

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